Patrick Martinez, Banque des Territoires

14 avril 2025

757 prêts signés en 2024 au bénéfice des collectivités territoriales (192, pour 603 M€) et des bailleurs sociaux (565), 99 prêts au bénéfice des professions juridiques : voici quelques-uns des chiffres-clés 2024 de la Banque des Territoires Occitanie. « Nous avons mobilisé 1,9 Md€ en 2024 en Occitanie, un montant record », indique Patrick Martinez aux Indiscrétions, dans un entretien long donné le 8 avril. 
La Banque des Territoires Occitanie invite les collectivités à relancer les investissements, avec une approche de prêt long terme. « Il faut sortir des vieilles lunes du ‘pas de dette’Comment ne pas faire de dette si on veut être au rendez-vous de la population et de la transition écologique ? La rénovation énergétique des bâtiments publics, l’intégration d’énergies renouvelables, la lutte contre les fuites des réseaux d’eau des collectivités, permettent aussi de faire des économies de fonctionnement. Or, le budget de fonctionnement des collectivités est celui est qui le plus observé. Réduire ces postes de dépense est important », affirme Patrick Martinez.

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Les réalisations sont diversifiées et partout en Occitanie : revalorisation des déchets avec Decoset en Haute-Garonne (lire en « Décodage »), extension du siège social de la communauté de communes Portes Ariège Pyrénées (09), réhabilitation d’une friche à Florac Trois Rivières (48) – ancien hôtel Le Rochefort reconverti en maison communautaire de l’attractivité et des transitions -, piste cyclable et voie piétonne à Saint-Martin-Lalande (11), rénovation de l’éclairage public dans les Hautes-Pyrénées (3 M€ d’avances remboursables), extension du réseau de chaleur à Montpellier (prêt de 27 M€ à Altémed, pour desservir le CHU, la faculté de Pharmacie et 8.000 logements), réhabilitation des Halles de l’Abbaye à Alès (4 M€, à la Ville d’Alès), renouvellement urbain du quartier de l’Ophite à Lourdes (prêt de 4 M€ à l’OPH 65), extension de la ligne 1 du tramway de Montpellier (30 M€ à Montpellier Méditerranée Métropole), laboratoire Inits à Mauguio (Hérault, bioproduction, dédiée aux biotechnologies, prêt de 24,4 M€)… 

Progression dopée par la stabilité du Livret A. L’activité de la Banque des Territoires est en progression en 2024, notamment sur les prêts aux collectivités locales, passés en deux ans de 100 M€ pour 80 projets à 603 M€ pour 192 projets. La stabilisation du taux du Livret A est importante, notamment pour la gestion de la dette par les bailleurs sociaux (12 Md€ de dettes cumulées pour les bailleurs d’Occitanie). Le principal poste de financement de la Banque des Territoires reste d’ailleurs le logement social, en hausse de 5,5 % avec 1,136 Md€ engagés et 7.388 logements financés.

Logement social : tensions persistantes. « Il y a aujourd’hui 210.000 logements non pourvus en Occitanie », alerte Patrick Martinez. Ce chiffre comprend les demandes et mutations non satisfaites. Il reflète aussi la hausse des coûts de construction. 

L’ingénierie au service des territoires. 2 M€ ont été consacrés à des études préalables en 2024, pour les communes rurales, les Politiques de la Ville et le programme Action Cœur de Ville. « Je ne refuse jamais de regarder une demande d’étude pour améliorer un projet », insiste-t-il. L’éco-conditionnalité est désormais un critère d’attribution des prêts. 

Une Sem Energie bientôt créée dans le Gard. La Banque des Territoires a engagé 134 M€ de fonds propres en 2024, dans 110 sociétés. Elle soutient les Sem d’aménagement, les projets d’énergies renouvelables avec les syndicats d’énergie, ou encore l’éolien en mer avec Ocean Winds et Engie. « Une Sem énergie sera créée cette année dans le Gard avec le Département et le Smeg », confie-t-il. En matière d’EnR, l’expert précise : « L’outil de consignation peut remplacer la caution bancaire sur des gros projets. C’est un outil que l’on développe. Il apporte une garantie financière au service des projets. » 

Autoconsommation d’électricité renouvelable. Patrick Martinez défend l’autoconsommation d’électricité renouvelable. « Il faut valoriser les toitures solarisées, les parkings, les zones déjà imperméabilisées », propose-t-il. Le modèle d’autoconsommation repose sur un « usage local de la production, une acceptabilité plus forte, et une meilleure résilience face aux chocs énergétiques ».

Logement : répondre à tous les besoins. La Banque des Territoires accompagne le rachat de logements par CDC Habitat et les bailleurs intéressés par l’intermédiaire. « Le parcours résidentiel doit proposer du logement libre, intermédiaire et social. Ce parcours nous préoccupe. Rester dans un logement social toute sa vie n’est pas une fin en soi », explique-t-il. Côté rénovation, l’objectif est de réduire à zéro les logements sociaux classés E, F ou G en Occitanie (actuellement 8 % du parc), et améliorer les logements classés en D (25 %). Un travail est en cours avec Habitat Social en Occitanie.

Santé, vieillissement et inclusion. Alors que « 70 % des Ehpad rencontrent des difficultés financières », la Banque des Territoires finance des projets comme celui du centre hospitalier de Lunel, qui regroupe trois sites en un nouvel Ehpad de 120 places. « C’est intelligent. Il faut généraliser ces pratiques », insiste-t-il. La Banque des Territoires travaille de concert avec les agglomérations, CCAS et CCIS pour trouver des solutions à une population « vieillissante ». 
La reprise de bâtiments vides dans les centres anciens de bourgs est à la fois complexe et nécessaire. « C’est un enjeu crucial. Si on veut reconquérir la ruralité, il faut permettre aux personnes âgées éloignées des bourgs de pouvoir s’y loger. Les déficits d’opérations de réhabilitation doivent être comblés par des subventions. » 

Tourisme et transformation des stations. Patrick Martinez appelle de ses vœux une montée en gamme du tourisme, soulignant un « décalage entre les attentes des clients et l’offre de services, en matière d’hôtellerie et de camping. La Banque des Territoires peut améliorer les fonds propres des porteurs de projets ». Face aux attentes croissantes pour habiter en station (mer ou montagne), des projets visent à transformer l’offre touristique vers un modèle quatre saisons. Une foncière est en projet avec l’EPF Occitanie, pour racheter des copropriétés en vue de leur rénovation énergétique et résidentielle (transformation de studio-cabines et logements plus grands, pour un habitat pérenne). Avec un appel non masqué aux investisseurs privés : « On veut bien reprendre des copropriétés, via une structure de portage, mais il faudra des investisseurs derrière. On ne le fera que si ça suit au niveau du secteur privé, en termes d’opportunités de rétrocession, ou d’exploitation pour les biens gérés. Je suis à la disposition de ceux qui veulent se projeter sur de l’investissement, sur des produits de montage ou littoraux (…) De plus en plus de personnes veulent habiter sur des stations côtières. Le tourisme 4 saisons et l’habitat permanents doivent y être développés. Il faut anticiper les effets du changement climatique et proposer des lieux de vie pérennes en montagne. S’il fait 2 degrés de plus dans 20 ans, la remontée vers les territoires moins exposés se développera. Mais avec quel type d’habitat disponible sur place ? Un travail est mené en ce sens avec la Compagnie des Pyrénées », affirme Patrick Martinez.

Soutien aux notaires. La Banque des Territoires Occitanie investit dans la reconversion des professions juridiques, notamment les notaires (25 M€ de prêts), secteur en difficulté avec le ralentissement de l’immobilier. « La crise de l’immobilier a un impact violent sur ces professions. Nous accompagnons les notaires dans leur restructuration : allongement de la durée de dette, facilité dans les paiements… Ces professionnels du droit sont des références, alors que le secteur juridique devient très compliqué. Ce sont des acteurs au service de la population. Nous les considérons comme tels. »

Eau, déchets, climat : les nouveaux défis. La Banque des Territoires, actionnaire de Suez et Veolia, co-investit dans les projets de traitement de l’eau et de déchets. À Toulouse, elle soutient Decoset sur les déchets (lire en « Décodage »). De manière générale, « nous pouvons être coinvestisseurs pour offrir des capacités financières à ceux qui répondre aux délégations de service public », complète-t-il. Dans les Pyrénées-Orientales, elle cofinance à hauteur de 30 % des études sur la lutte contre la sécheresse. « Nous ne nous autosaisissons pas, nous nous associons », précise Patrick Martinez, appuyant la méthodologie.

Une présence territoriale forte. « Nous sommes 81 collaborateurs pour couvrir les 13 départements », conclut Patrick Martinez. « Nous apportons des moyens financiers, mais aussi du conseil. » Au total, 90 Md€ sont mobilisés au niveau national au service des territoires.

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