La coopérative agricole Arterris alerte sur la situation de la filière 

18 décembre 2023

Transitions énergétique et écologique, manque d’eau, grippe aviaire… Le groupe coopératif agricole audois Arterris (agricole, agroalimentaire et distribution), dont le champ d’action s’étend sur les régions Occitanie et Provence-Alpes-Côte-d’Azur, tire la sonnette d’alarme lors de son assemblée générale le 12 décembre, à Castelnaudary (Aude). Les Indiscrétions y étaient. 

Conférence presse Arterris 12 décembre Castelnaudary Aude
De g. à dr. : Christian Reclus, Jean-François Naudi et Jacques Groison ©Amélie Cazalet (Agencehv)

Garder la tête hors de l’eau. Grippe aviaire, hausse du prix des matières premières et de l’énergie, inflation… « L’année 2022 est la plus mauvaise récolte de semences de l’histoire », dépeint Christian Reclus, directeur général du comité exécutif d’Arterris (2.300 salariés, 15.000 coopérateurs), qui réalise 1,22 Md€ de CA en 2022-2023. Pour 2024, Arterris ambitionne de poursuivre ces investissements. « Nous disposons de 200 M€ de fonds propres, ce qui rassure les banques », souligne Jean-François Naudi, président d’Arterris, à l’occasion de l’assemblée générale du groupe le 12 décembre à Castelnaudary (Aude). 

Feuille de route. Sur la feuille de route d’Arterris, pérenniser les productions agricoles locales et sécuriser les débouchés. « Avec des nouveaux pays producteurs tels que l’Argentine ou le Brésil, il ne faut pas que nous nous fassions sortir du marché. La question qu’il se pose : comment le local peut garder sa place face à des produits d’exportations moins chers ? », interroge Jean-François Naudi.

Transition écologique et énergétique. La coopérative agricole appelle les professionnels à s’engager dans les transitions énergétique et écologique. « Nous n’avons pas de ressources financières pour les accompagner dans ces deux transitions. Mais nous capitalisons toutes les connaissances, en consultant des laboratoires, des scientifiques, etc., pour construire des solutions qui seront territorialisées et que nous expliquerons aux agriculteurs », explique Christian Reclus. « Nous allons adapter les pratiques des années 1950 au temps d’aujourd’hui, avec des outils d’aide à la décision comme l’intelligence artificielle pour accélérer les analyses, ou encore la surveillance des maladies », ajoute Jean-François Naudi. Par ailleurs, Arterris a conclu un partenariat avec la société Javelot (sondes connectées et boîtiers pour piloter la ventilation des silos) afin d’optimiser la consommation électrique de ses installations. 

Vers la micro-irrigation. « Alors que nous utilisions notamment l’irrigation par submersion ou aspersion, nous tendons de plus en plus vers la micro-irrigation (irrigation localisée, note) », observe Christian Reclus. Concernant le manque de ressource en eau, « nous avons volontairement diminué notre consommation d’eau de 50 % en 2022 pour laisser de la ressource aux autres usages, lance Jean-François Naudi. Pourtant, s’il y a bien un usage qu’il faudrait moins baisser que les autres, c’est l’irrigation ! L’eau utilisée pour l’irrigation participe à un cycle, qui permet de faire pousser des plantes l’été et limite le risque d’incendie. » Le président d’Arterris appelle par ailleurs à la gestion de l’eau pluriannuelle. 

Défendre l’acte de production. Entre 2010 et 2022, en Occitanie, 110.000 hectares ont disparu. L’enjeu du groupe coopératif : défendre l’acte de production en rémunérant les producteurs à leur juste prix tout en proposant aux consommateurs des prix accessibles. « Il faut que le soutien vienne à ceux qui produisent », martèle Christian Reclus. « Cela se joue notamment sur les aides accordées par la PAC (politique agricole commune, note). L’argent de la PAC est donné à des détenteurs d’hectares sans savoir s’il y a une production dessus. Il faut flécher ces aides sur des filières identifiées, afin de répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux », précise Jean-François Naudi. 

Réguler le marché avec des filières. « Lorsque 40 à 70 % de nos volumes seront en filières, nous aurons mis en place un organe de régulation et tout le monde serait plus heureux », indique Christian Reclus. « Un agriculteur engage tous ses frais sans savoir ce qu’il va gagner », rappelle-t-il. Cependant, certains agriculteurs ne veulent pas intégrer les filières. « Pour la filière haricot de Castelnaudary, nous peinons à trouver des agriculteurs », illustre Jacques Groison, directeur général adjoint et directeur du pôle Agricole d’Arterris. 

Panzani. Le partenariat conclu entre Arterris et Panzani permet d’assurer la vente d’une partie de la production. « Nos contrats stipulent une livraison de blé dur allant de 150 à 170.000 tonnes pour Panzani. Alors que nos productions sont tombées en dessous de la barre des 200.000 tonnes, c’est la part de production hors contrat qui a diminué pour un volume global sous contrat qui est resté identique », explique Jean-François Naudi. 

Révision de la stratégie. « Cultiver chaque jour l’art de coopérer » : c’est la nouvelle raison d’être d’Arterris, qui a revu sa stratégie de groupe qui était inchangée depuis… 2015. « Depuis 2015, beaucoup de choses ont changé, nécessitant une révision pour s’adapter aux nouveaux enjeux (changement climatique, irrigation, réglementations…) », explique Jacques Groison. Il poursuit : « nous allons évoluer autour de trois valeurs : Le temps long ; L’innovation positive (essayer de trouver de nouvelles méthodes de travail, amener de nouveaux outils…) ; L’exigence partagée (tout le monde doit être exigeant sur la qualité du travail, avoir de la discipline). » 

Six axes. Pour la suite, Arterris entend « développer la valeur de nos filières ; s’engager dans la qualité et l’excellence opérationnelle ; attirer et fidéliser les talents ; pérenniser notre modèle coopératif ; développer nos marques et innover pour créer de la valeur ; créer un environnement inclusif et participatif », énumère Jacques Groison. 

Impact de la grippe aviaire. La grippe aviaire a eu un fort impact sur le segment des canards et de la volaille. « Nos producteurs étaient dans une zone indemne de la maladie. Cependant, les canetons de leurs fournisseurs, qui étaient situés dans une zone réglementée, sont morts ou ont été euthanasiés. Les producteurs ont dû se battre pour obtenir un soutien », déclare Christian Reclus. Et deuxième peine, la perte des habitudes des consommateurs. « Les canards sont sortis des boutiques et des supermarchés, donc l’habitude des consommateurs se perd. Il faut y revenir », poursuit Christian Reclus. 

Le rapport 2022/2023 du groupe est à lire en cliquant ici

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