Le lozérien Atelier Tuffery : les secrets de la réussite

6 novembre 2023

Vision du Made in France, développement à Montpellier, export au Japon… Le 2 novembre, Julien et Myriam Tuffery, dirigeants de la manufacture de jeans Atelier Tuffery (35 salariés, 4 M€ de CA), sont revenus sur l’histoire de l’Atelier, fondé en 1892 à Florac (Lozère), et ont exposé leur vision de l’avenir. Les Indiscrétions y étaient.  

Myriam et Julien Tuffery Atelier Tuffery
Myriam et Julien Tuffery ©Amélie Cazalet (Agencehv)

Boutique montpelliéraine. Basé à Florac (Lozère), l’Atelier Tuffery se plaît à Montpellier. En effet, la manufacture loue les locaux de l’ancien Quick sur la place de la Comédie, dont le bail a été repris par la Ville de Montpellier, via Altémed. « Le bail se termine fin janvier. Je sais que nous pourrons rallonger un peu. Mais dans tous les cas, nous nous renseignons pour ouvrir une boutique et rester à Montpellier. C’est complémentaire de Florac », confie Julien Tuffery aux Indiscrétions.  

Cap sur le Japon. « Nous avons commencé à exporter au Japon, avec l’ambition d’atteindre 300 k€ de CA au Japon d’ici 3-4 ans », projette Myriam Tuffery, alors que se profile la Quinzaine du Japon en Occitanie. « Le Made in France en France est un marché compliqué car moins de 3 % de la population française achète des vêtements made in France. Les Japonais sont des personnes très pointues sur la qualité. Il y a une vraie demande là-bas », dépeint Julien Tuffery. Le transport et la vente finale représente « moins de 15 % de l’impact carbone tellement l’amont de la filière est lourd. Donc, finalement, malgré le fait de transporter les jeans de Florac à Tokyo, nous aurions un bilan carbone plus faible que les jeans des grandes marques internationales », justifient les cogérants.  

Made in France VS fast-fashion. Avec des jeans a minima à 119 €, « nous souffrons de la non-éducation des personnes au textile. Il y a 70 ans, il était inconcevable de vendre un tee-shirt à 1,50 €. Aujourd’hui, les consommateurs trouvent ça normal, alors que ça ne l’est pas ! », s’insurge Julien Tuffery. Alors que la toile sera vendue au maximum 2 € le mètre en Asie, « nous la payons 12 à 14 € en France. Sachant qu’il faut en moyenne 1m20 de toile pour fabriquer un jean, nos frais s’élèvent déjà à environ 16 € avant même que nous ayons commencé sa conception », détaille Julien Tuffery. « Mais ce sont des jeans robustes, qui tiendront 6, 7 voire 8 ans. S’il est déchiré, nous le réparons. Et le client repart avec pour une paire d’années », poursuit-il.  

Moins d’une journée de voiture. « Au plus loin, la matière première est à une journée de voiture, déclare Julien Tuffery. Et nous avons fait le bon choix car bientôt tous les metteurs en marché auront l’obligation d’afficher l’empreinte carbone des produits sur toute la chaîne de production. Un jean à 6,50 € sur Shein (marque de fast-fashion, note) coûtera finalement beaucoup plus cher ! »  

Bourse carbone. « Nous pensons que dans quelques décennies, nous n’achèterons plus nos vêtements en euros mais en bourse carbone, lance Julien Tuffery. C’est ce que nous entendons de plus en plus : “J’ai pris l’avion pour aller aux Maldives, je ne prendrais pas l’avion durant 2 ans car j’ai explosé ma bourse carbone”. »  

Relancer la filière. Julien et Myriam Tuffery sont la 4e génération à la tête de la PME familiale. Lors de la reprise en 2016, « il n’y avait que mon père et mes deux oncles qui faisaient tourner la manufacture, rappelle Julien Tuffery. Avec la mondialisation, nous nous sommes rendus compte que nous pouvions fabriquer des jeans nettement moins chers en Asie. Donc, entre 1980 et 1995, plus de 90 % de la valeur de l’industrie textile a disparu ! » Lors de la reprise de l’entreprise, « il a fallu repenser le modèle de fabrication », explique Myriam Tuffery, en précisant que « Florac est un petit village. Pour recruter, il fallait que nous soyions impeccables sur les conditions de travail. Beaucoup d’usines, même en France, sont des hangars mal éclairés, mal isolés, pas ventilés…Prendre soin de l’outil de production permet aussi de réduire considérablement les coûts de production. Nous avons pris ce chemin, en reconstruisant un atelier plus lumineux et nous avons fait le choix de la vente directe pour financer ce modèle ».  

Métiers en voie de disparition. « Au moment de la reprise, nous avons dû faire face à des métiers qui n’existaient plus. Donc, nous devons nous-mêmes former les salariés, sachant que pour fabriquer un jean, il y a 80 étapes différentes et il faut maîtriser 22 machines industrielles », souligne Julien Tuffery. La formation dure 2 ans et demi. « Nous embauchons des personnes qui ne sont pas rentables tout de suite, pour les former », appuie Julien Tuffery. « Nous recrutons également des alternants, où dans 95 % des cas, leur contrat d’apprentissage est transformé en CDI à la fin de leurs études », ajoute Myriam Tuffery.  

Conférences à venir. Deux autres conférences sont organisées par l’Atelier Tuffery dans son pop-up store montpelliérain : le 23 novembre, en présence de Julien Tuffery et Mathieu Ebessen, fondateur de VirgoCoop et gestionnaire de Tissages d’Autan, sur le thème « La relance des filières de fibres naturelles » ; et le 30 novembre avec Myriam et Julien Tuffery et Myriam Joly, fondatrice de Missegle et présidente du label France Terre Textile Sud, sur le thème « La fabrication textile made in Occitanie et le label France Terre Textile ». Réservations en cliquant ici.

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