Il est devenu compliqué – et je le vois dans les animations de débats, où chaque mot doit être pesé et soupesé – d’utiliser des expressions pourtant courantes, certaines faisant référence à la religion catholique, naguère dominante. Osez par exemple, sans s’en rendre compte, un « Remettre l’église au milieu du village », et il faudra immédiatement s’excuser – « Si je me permets cette expression désuète ». Tentez un « Je vous écoute religieusement », et votre interlocuteur vous reprendra « Je préfère que vous m’écoutiez laïquement » – expérience véridique, vécue sur scène, en direct. Règle d’or, presque biblique : ne pas réagir.
Ces anecdotes, qui peuvent prêter à sourire, renvoient à une tendance plus profonde. Il est de bon ton de dénigrer ce qui a pourtant fait, objectivement parlant, l’histoire du pays – et une partie de sa grandeur.
Les conquêtes du XXe siècle sont passées par là – loi de séparation État/Église en 1905, mai 68. Avec leurs avantages certains, et, moins développées, leurs potentielles dérives.
Car, une fois la foi chrétienne méthodiquement détruite par l’appareil républicain – sur mes 10 meilleurs amis de 30 ans, ayant eu en cumulé une vingtaine d’enfants, aucun n’est baptisé et celui qui s’y risquerait serait couvert de quolibets par les neuf autres -, que met-on à la place ? La croyance dans quoi ? Les écrans ? Les marques surpuissantes ? Sa maison individuelle avec piscine ? L’apéro du vendredi soir avec des gens comme nous ? Une Tesla ? La malbouffe ?
J’en parle avec d’autant plus d’aisance que je suis pour ma part agnostique. En tant que journaliste, j’observe, interroge et ne considère pas que la majorité, y compris même si celle dont je pense faire partie, a forcément raison.
« Aujourd’hui encore, nombreux sont les contextes où la foi chrétienne est considérée comme absurde, (…) des contextes où on lui préfère d’autres certitudes, comme la technologie, l’argent, le succès, le pouvoir, le plaisir », déclare le nouveau pape Léon XIV, le 9 mai, devant les cardinaux à la Chapelle Sixtine. (…) Ceux qui croient sont ridiculisés, persécutés, méprisés ou, au mieux, tolérés et pris en pitié. »
Faut-il s’en foutre ?
On s’en fout
12 mai 2025