Dis-moi comment tu communiques, je te dirai qui tu es

26 mai 2025
Eric Torremocha ©Guilhem Canam - Les indiscretions
Eric Torremocha, agent général d’assurance Allianz depuis 10 ans ©Guilhem Canal

Le chef d’entreprise est aujourd’hui devenu un(e) véritable homme ou femme-sandwich pour son entreprise, un(e) VRP de luxe, une vitrine de tous les instants. Finie l’image d’Epinal où l’on ne croisait les dirigeants que sur des évènements très privés, sur des greens, quand personne ne pouvait mettre un visage sur une structure. Il existait en effet dans l’inconscient collectif une croyance selon laquelle la seule communication en termes d’image reposait sur la personne morale et non sur les capitaines d’équipe.

Cette époque-là est révolue puisque la tendance est désormais au fait incarner l’entreprise et ses valeurs. On demande désormais aux chefs d’entreprise d’être visibles, de se positionner et de donner un avis. Avis, lorsqu’il est très personnel, qui peut parfois entraîner l’entreprise dans un scénario catastrophe. Comme ce fut le cas pour Barilla, avec son PDG Guido Barilla auteur il y a quelques années d’une sortie homophobe, s’attirant ainsi les foudres de Equality Italia. Par la voix de son président Aurelio Mancuso, cette association a ainsi encouragé les consommateurs à ne plus acheter la marque. Rétropédalage de l’entreprise, excuse publique et désolidarisation de son PDG. Avec des conséquences économiques immédiates, baisse de l’action et du chiffre d’affaires.

La période Covid est également, à froid, une période à analyser sur le plan de la communication. Prenons le cas des assureurs et de Jean-Laurent Granier, président de Generali. Très combatif sur les plateaux TV et lors de ses interventions radio, il aura fait preuve de pédagogie pour expliquer ce que sont les exclusions classiques d’un contrat d’assurance – quand ils sont correctement rédigés (la fameuse pandémie…). Si le fond de ses interventions était sincère et réaliste, la suite était courue d’avance. L’opinion publique avait fait des assureurs le grand méchant de l’histoire, scénario complexe bien alimenté par le ministre des Finances de l’époque. Ce dernier cherchait en effet un cosponsor pour financer les aides aux entreprises, ce qui fut le cas avec un fonds d’ 1,5 milliards d’euros financé par les grands assureurs (AXA, Generali, Allianz en tête… sans les bancassureurs unis comme les doigts de la main et sans les mutualistes), administré par l’Etat… qui n’aura jamais communiqué sur l’origine des fonds. Une communication incarnée avec conviction mais inaudible. Dans ce secteur, le silence aura finalement été la meilleure des stratégies. Pas d’antagonisme, pas de combat. Une logique implacable.

Trop de visibilité nuit à la visibilité

A l’échelle des TPE et PME, c’est la vague RSE qui aura fait bouger les lignes. On demande aujourd’hui aux chefs d’entreprises, a minima, de s’investir sur leur territoire en étant un acteur économique visible. Que ce soit au sein d’associations de commerçants ou de dirigeants, en donnant le départ du cross de l’école ou en remettant les maillots de l’école de rugby du coin. Et la communication d’être directement liée aux convictions personnelles du dirigeant. Touché directement par un cancer, ce dernier aura tendance à entraîner ses équipes sur les courses en faveur de la lutte contre cette maladie ou de récolter des fonds pour l’Institut du Cancer de Montpellier. Même logique pour le handicap, le sport, l’humanitaire, l’environnement… Cette forme de communication produira ainsi un effet positif sur plusieurs niveaux : fidéliser ses clients mais également ses équipes et ses partenaires. 

Une autre dimension est enfin à prendre en considération : la fréquence à laquelle communiquer. Si l’on commence à vous dire qu’on vous voit partout, comprenez qu’on vous voit… trop ! Une petite cure de silence peut en effet être salvatrice pour ne pas dévaloriser la qualité du message. Le miroir aux alouettes des réseaux sociaux aura ainsi eu raison de beaucoup de dirigeants, gargarisés par le nombre de « like » et de « followers ». Qui au final arrivent à se convaincre de détenir la réponse à toutes les questions entrepreneuriales, sociétales et économiques.  

Ne pas perdre de vue que le message reste plus fort que le messager. Je vous laisse, je dois poster un message indiquant que j’en ai marre de me voir sur les réseaux sociaux professionnels. J’ai réussi à m’auto fatiguer. 

Eric Torremocha revient pour une nouvelle tribune partenaire la semaine du 30 juin.

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