Comment Alès est redevenue une place forte industrielle

11 décembre 2023

Touchée par la fermeture des mines dans la 2e partie du 20e siècle, Alès regagne aujourd’hui des emplois industriels. Récit d’une renaissance, alors qu’Emmanuel Macron se rend à Toulouse ce lundi sur le site d’Airbus pour présenter la suite du plan France 2030 (en « À l’affiche »)

LFB Biomanufacturing Alès
©LFB Biomanufacturing

Depuis cinq ans, la courbe de l’emploi industriel redevient positive, « avec une croissance d’environ 1 % d’emplois nets par an, sur un bassin de 4.000 salariés dans l’industrie », souligne Annick Le Lan, directrice d’Alès Myriapolis.  
Avec quelques annonces récentes convaincantes : 25 M€ investis par l’usine SNR Cévennes, spécialisée dans la fabrication de roulements de roues pour l’automobile, 20 M€ par LFB Biomanufacturing (protéines thérapeutiques) ou encore 8 millions d’euros par Wood Buildings Industry (modules à ossature bois). Malgré l’absence de desserte autoroutière et TGV, la commune gardoise a franchi la barre des 40.000 habitants, se félicite Christophe Rivenq, président d’Alès Agglomération, qui a lancé la campagne d’attractivité Le Sud Ingénieux. Aux côtés de Max Roustan, maire d’Alès, le tandem est aux manettes depuis 1995. De quoi mettre en place des actions de long terme. Dès 1997, l’agence de développement économique est lancée. Est ensuite venue la création du pôle mécanique sur une ancienne friche minière en 1999, puis celle du Parc industriel scientifique et technologie (Pist), développant 8.200 m2 d’immobilier d’entreprise adapté aux besoins des créateurs d’entreprises.  

Préemption de friches. L’agglomération et la Ville ont aussi préempté systématiquement tous les bâtiments industriels mis en vente, pour les réhabiliter, en assurer le portage et offrir une solution clé en mains à des preneurs. Le rachat des deux anciens sites métallurgiques de Richard Ducros, liquidé en 2011, ont permis d’accueillir des investissements de NTN SNR Cévennes et Transports Capelle. « Pour le dossier NTN SNR Cévennes, Alès était en concurrence contre la Roumanie, le Brésil, le Japon et Annecy. On a fait la différence sur la réactivité, la mise à disposition d’un bâtiment adapté, aux normes et au prix souhaité, pour que l’entreprise se concentre sur son seul investissement industriels », rembobine Christophe Rivenq. Plus récemment, Harmony Group, spécialiste de la conception et fabrication de mobilier de bureau, a implanté une nouvelle ligne de production dans l’ancien site industriel de Crouzet Automatismes, également acquis par l’agglomération. Mais, d’après Annick Le Lan, « il faudrait un outil plus opérationnel pour du portage de l’immobilier. On pousse auprès de l’État pour créer une foncière à l’échelle régionale ou des bassins industriels. Celle-ci permettrait de préempter ces bâtiments industriels et de les porter, pour les redéployer dans le cadre d’activités industrielles ».  

Opposé au Zan. À présent, les friches se font rares, et des fonciers sont recherchés. « Si on veut rapatrier de l’industrie en France, il faut des bâtiments, et l’industrie est consommatrice d’espace », résume l’élu, dans la lignée de son intervention lors de l’assemblée générale de Territoires d’Industrie, à Châlon-sur-Saône, le 9 novembre. Selon l’élu, l’agglomération d’Alès a besoin d’une centaine d’hectares. « Nous n’en avons que 40 en stock potentiel, qui ne sont pas encore aménagés. Nous travaillons à l’identification d’un nouveau site possible, qui pourrait développer 60 hectares. » Alès Agglomération est en fait victime de sa pratique vertueuse de reprise de friches industrielles. « Nous avons peu consommé. Or, d’après le Zan, le calcul de l’artificialisation à venir se fait sur la base de l’artificialisation passée, chaque collectivité ne pouvant artificialiser plus de 50 % que sa consommation foncière moyenne sur les dix années précédentes. »  

Territoires d’Industrie. Mandaté dans le cadre du dispositif « Rebond industriel », le bureau d’études Ancoris identifie 200 M€ d’investissements et près de 600 créations d’emplois cumulés sur le bassin alésien dans les prochaines années. Parmi ces investissements : Harmony, NTN SNR Cévennes, LFB Biomanufacturing, ATS, Minet Lacing Technology… « Même s’il reste supérieur à la moyenne nationale, le taux de chômage a baissé en 10 ans. Le bassin d’Alès, labellisé Territoires d’Industrie en 2018 et renouvelé pour la période 2023-2027, a su se diversifier et reconstruire un tissu économique dynamique, avec des entreprises innovantes comme Axens (adsorbants), Ergosanté (exosquelettes), SD Tech (micropoudres fines)… », souligne Julien Tognola, directeur de la Dreets Occitanie.  Neuf projets d’investissement des entreprises du territoire ont pu être financés, pour un montant de 3,7 M€, par l’État et la Région Occitanie, avec une perspective de création de 115 emplois. Les entreprises des secteurs des produits biosourcés et de la santé devraient bénéficier du soutien de l’État, ou répondre aux futurs appels à projets de France 2030, indique-t-il. « L’idée est aussi de pouvoir renforcer l’écosystème industriel existant en travaillant sur les sujets de la transition écologique, l’eau et les déchets notamment, complète Annick Le Lan. Travailler sur des projets collectifs doit permettre aux entreprises de trouver les réponses localement à ces enjeux. Ce sont autant d’axes de R&D des bureaux d’études et de l’IMT Mines Alès. »

NTN SNR industrie Gard
©NTN SNR Cévennes

Nouveau projet industriel. Un projet de reprise d’une friche industrielle, avec un bâtiment de 6.000 m², est en cours au sud de Vézenobres. Il s’agit d’une activité qui sera redéployée depuis la Lozère, indique-t-on aux Indiscrétions.  

Plateforme RH et Cappi. Côté formation, une plateforme RH a été développée pour répondre aux difficultés de recrutements, favoriser la montée en compétences et développer de nouveaux parcours de formation. Aux côtés de l’IMT Mines Alès, la licence Cappi (conception amélioration des processus et procédés industriels) a été lancée il y a trois ans. « L’idée, c’est de former des jeunes, qui auparavant s’arrêtaient au BTS, à une année de plus pour les métiers de l’automatisation, de la robotisation, de la maintenance et des chaînes de production 4.0 », illustre Christophe Rivenq.  
« La formation Cappi est importante pour une agglomération de 135.000 habitants, observe Alexandre Coulet, dirigeant de S Group, PME alésienne de 35 salariés spécialisée dans les solutions audiovisuelles, techniques et scénographiques pour le spectacle vivant. Alès est encore un territoire pauvre. Il ne faut pas rester dans le statu quo, continuer à faire bouger les lignes. Notre position nous obligé à être dans le mouvement, et constructifs entre nous. »

Solidarité. « D’autres territoires ont eu autant d’aides publiques qu’Alès, mais pas les mêmes résultats, confie Alexandre Coulet. Cela vient du modèle politique (un tandem fort depuis 25 ans, note), l’envie de travailler ensemble, et de faire progresser le territoire. En tant que président de Leader Occitanie, je le vois : il y a ici une façon de mettre l’énergie dans le positif, plutôt que de dézinguer l’autre. On va aider son confrère, privilégier l’entraide, le retour d’expérience, ce qui manque chez l’industriel français en général. »  
Selon lui, Alès Myriapolis est « certes une petite agence de développement économique, mais elle cherche des briques de spécialité qu’elle n’a pas. Elle va trouver des spécialistes de la chimie, de la machine-outil spécialisée, de l’agroalimentaire…, qui ont développé leur entreprise, et qui vont pouvoir donner des idées à l’agence. C’est un échange permanent, qui est moteur pour le territoire. Alès Myriapolis fonctionne bien. C’est l’une des réussites du territoire ». En atteste le concours Alès Audace, le 5 décembre, animé par notre consœur Gwenaëlle Guerlavais. Le palmarès en ligne sur Les Échosen cliquant ici.

Adoubé par Louis Gallois. Christophe Rivenq, hyperactif sur les réseaux sociaux, donne lui-même le ton. Un état d’esprit général qu’a perçu Louis Gallois, coprésident de La Fabrique de l’Industrie, lors d’une venue dans la capitale cévenole, en novembre 2022. « Alès a subi des épreuves mais n’est pas tombées dans une posture victimaire. Il y a un consensus dynamique des acteurs », avait-il alors déclaré auprès d’Objectif Gard.

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